Résumé Spécial Sud De La France Du Rapport Du GIEC

• 20/10/2021
• 29 minutes de lecture

Le climat, on s’y intéressera seulement en 2100 ?

Si on ne s’intéresse pas au climat, il s’intéressera à nous.

On parle du sud de la France en se moquant de l’accent (comme si y’en avait qu’un), de gens moins ambitieux (comme s’il n’y avait pas de start up ou d’industries), des jeux (comme si on jouait tous aux boules), et des plages bondées (comme si c’était l’unique attrait du sud) mais aussi pour ses feux de forêt ou ses inondations du mois de septembre, d’octobre, et novembre. Mais ce dont on parle beaucoup moins c’est à quel point les facteurs sont déjà au rouge pour cette région de France, et on peut se poser la question légitime : est ce qu’on parlerait pas plus des constats du GIEC si ces facteurs ciblaient principalement la région Parisienne ?

Ecouter la science

Qu’est ce qu’il se passera dans 10, 20, 30 ans ? Est ce qu’on pourra toujours se déplacer en ville ou faire du sport pour notre santé mentale et physique ? Et pour les rendements agricoles ? Les feux de forêts ou les crues déjà si fréquentes ici et ailleurs ? Que feront ceux qui ne peuvent plus vivre à un endroit ? Voici mes motivations pour creuser pendant des centaines d’heures les enjeux climatiques, à ceux qui me nomme militant, je réponds simplement que les faits scientifiques ne sont pas des opinions, et qu’en tant qu’ingénieur je n’ai pas d’autres choix que de me ranger du côté du consensus et de la méthode scientifique.

Ceci est le résumé du résumé pour décideur, Summary For Policy Maker (SPM), du groupe 1 “bases physiques scientifiques” pour le 6ème rapport du groupe intergouvernemental sur l’evolution du climat. Il en sortira encore 2 rapports pour les autres groupes de travail (2 et 3) du GIEC cette année et en 2022.

Le ratio de réduction va de 400 000 pages de littérature scientifique, à une synthèse de 2000 pages du GIEC (AR6), à 150 pages pour le résumé technique (TS), et 42 pages pour le résumé pour décideur (SPM). De 400 000 pages à quelques pages sur cet article: un beau ratio qui devrait vous forcer à regarder par vous même ces rapports.

Une information courte est une information incomplète par construction

• Jancovici (cours 5 - les économies d’énergie) à 1h27

Si je me permets de faire un résumé, moi jeune ceinture blanche de la fresque du climat, c’est pour synthétiser ma lecture qui a duré seulement 2 heures en prenant le temps de fouiller certaines données, je vous renvoie d’ailleurs à la synthèse de BonPote beaucoup plus complète que la mienne.

Je le fais aussi car 1 Français sur 5 (1 sur 2 en 2000) pense, aujourd’hui encore, que l’homme n’est pas responsable du changement de climat. Sociologiquement, ce sont principalement des personnes de plus de 69 ans de droite ou d’extrême droite. Chez les parlementaires (sénat et assemblée nationale), ce sont seulement 61% des parlementaires de droite, contre 95% de gauche, et 90% la majorité présidentielle, qui ont l’assurance d’une cause anthropique pour le changement climatique, alors que c’est un consensus scientifique. Ils pensent certainement que le changement climatique est un cheval de Troie pour mettre en place le communisme (voir le documentaire “La fabrique de l’ignorance” d’arte). Les fameuses “pastèques vertes à l’extérieur et rouges à l’intérieur” dont on entend parler depuis la sortie de la guerre froide. Etonnant, lorsqu’un président de droite, Chirac, parlait d’ouvrir les yeux dès 2002 car “notre maison brûle” et “qu’on ne pourra pas dire que nous ne savions pas”..

Et lorsque certains grands medias continuent d’émettre des doutes sur la science à la manière de Youtubeurs complotistes, ça n’aide pas du tout à la compréhension du problème physique auquel nous devons nous préparer.

Il faut absolument garder en tête qu’on ne peut pas négocier avec la physique, qui est une science dure, contrairement à l’économie qui, comme le disait Bernard Maris, ancien conseil général de la banque de France, est composée de choix politiques déguisés en science

Pas encore convaincu à 100% par la véracité des travaux du GIEC ? Il faut noter que chaque ligne de ce résumé a été validé par le gouvernement Français, et tous les autres membres d’ONU, et que ce rapport fait seulement des projections, et non des recommandations. Difficile, donc, de remettre en question ces rapports, n’est ce pas David Pujadas ?

Le constat sans précédent

La concentration de CO2 est la plus haute connue dans l’histoire depuis au moins 2 millions d’années, seuls les Homo habilis et hautengensis ont pu connaitre ces niveaux (sapiens date de -300 000 ans).

Ceci donne que la température moyenne en surface comparée au début de l’ère industrielle (1850-1900) a augmenté de plus d’un degré en 2020, et selon les 5 scénarios d’émissions de gaz à effet de serre (coucou le CO2 - énergies fossiles, le CH4 - le méthane des vaches et des rizières, et le N2O - engrais) qui vont dans le graphique ci-dessous du bleu : sobriété, voilier plutôt que jetski, VTT plutôt que quad, ratatouille plutôt que côte de boeuf, au rouge foncé : on envoie chaque jour des touristes dans l’espace pour 3min30 de gloire.

Ces 5 scénarios “SSP” (Shared Socioeconomic Pathways ou Représentation des évolutions sociales et économiques) possibles physiquement ont des noms relatifs à la puissance du forçage radiatif comparée à avant l’ère industrielle, c’est l’augmentation correspondant à l’énergie, comptée en watt par m², restant sur terre piégée par l’effet de serre. En résumé, plus le chiffre est haut, plus il fait chaud.

Si on regarde le scénario probable selon l’ONU, le SSP2 - 4.5 (pour 4.5 watt par m² en plus comparé à 1850-1900 qui reste piégés par l’effet de serre) cela la correspond à ces températures (source Table SPM.1) comparées à 1850-1900 :

• 2020 - 2040 - mes 30 ans - 50 ans: +1.5° avec une variance de -/+ 0.3°
• 2040 - 2060- mes 50 - 70 ans : +2.0° avec une variance de -/+ 0.5°
• Après 2060 - après mes 70 ans : +2.7° avec une variance de -/+ 0.8°

Le scénario SSP2-4.5 est basé sur une légère augmentation, suivie d’une diminution des gaz à effet de serre vers 2030. La physique nous autorise à passer sur d’autres scénarios encore plus destructeurs: comme le SSP3, 4, et 5.

Le climat peut se voir comme la température moyenne globale (autour de 15°) qu’il fasse nuit à un endroit et jour à un autre, que ça soit l’hiver ici ou l’été ailleurs. Ceux qui ont des vagues notions de mathématiques savent que les moyennes sont trompeuses : il suffit par exemple d’un milliardaire dans une salle de réunion pour que les mille autres personnes présentes soient en moyenne millionnaires.

Si on regarde en France seulement, nous sommes déjà vers les 2 degrés, et la courbe de regression est intimidante.

Point “C’est pas sorcier”: 4 degrés en plus, ça ne parait pas grand chose, surtout quand il fait 9 degrés le matin et 21 degrés l’après midi comme dans ce mois d’octobre 2021, mais une analogie avec la témpérature de notre corps, à 37 degrés, tout va bien mais à 41 degrés, on meurt.

L’eau

L’inondation - crues

Nous constatons pour les épisodes cévenols une forte augmentation de l’intensité des records de pluie depuis une trentaine d’années.

Du fait du changement climatique, les épisodes de pluies intenses pourraient être plus fréquents et plus violents.

• Valérie Masson Delmotte, paléoclimatologue, co présidente du groupe 1 du GIEC

Ayant grandi dans les Cévennes, on apprend à redouter début septembre, non pas pour la rentrée des classes, mais car on sait que des tonnes d’eau, dépassant les 500mm (1 mm = 1litre/m2), vont tomber quelque part en quelques heures et créer des catastrophes. Pas seulement dans les villages, mais aussi les métropôles: Marseille et Montpellier, où le train entre Nîmes et Montpellier a été interrompu pendant 10 jours, ne sont pas épargnées.

On apprend en grandissant que ça peut arriver, mais on ne peut pas sentir avec nos sens que les fréquences de ces crues augmentent, tout comme leur intensité. Ces passages du rapport devraient donner des frissons à n’importe quel citoyen ayant déjà connu une crue.

B.3 Continued global warming is projected to further intensify the global water cycle, including its variability, global monsoon precipitation and the severity of wet and dry events.

B.3.2 A warmer climate will intensify very wet and very dry weather and climate events and seasons, with implications for flooding or drought

• extrait du résumé pour décideurs (Summary for Policymakers (SPM))

On entend souvent parler de l’accord de Paris, limiter à nettement en dessous de 2 degrés par rapport à 1850 le réchauffement, mais on entend moins souvent que chaque 1/10 de degré evité compte. Car avec un réchauffement à 2 degrés, il y a 2 fois plus de chance d’avoir des crues, et 14% plus intenses.

Avec 4 degrés en plus c’est 3 fois plus souvent, pour 30% d’intensité en plus. Ce n’est pas de la science fiction, c’est de la physique, qui ne concerne pas seulement “de pauvres africains”, mais toi, moi, tes enfants, et ça a déjà commencé.

En terme de puissance des évenements, il faut retenir qu’un degré en plus c’est 7% d’eau en plus dans l’air.

La submersion - la montée du niveau des mers

D’ici 2050 la banlieue de Montpellier sera les pieds dans l’eau (…) la Camargue va disparaitre

Gaël Giraud citant le climatologue et directeur de recherche au CNRS Hervé Le Treut

La montée des eaux est liée à la fonte de la calotte glaciaire, des glaciers, mais aussi à l’augmentation de la température de la mer par dilatation thermique :

A4.3. Thermal expansion explained 50% of sea level rise during 1971– 2018, while ice loss from glaciers contributed 22%, ice sheets 20% and changes in land water storage 8%.

J’ai habité Marseille pendant 5 ans, et je suis passé une centaine de fois en courant devant le marégraphe situé idealement sur la corniche JFK. J’ai longtemps ignoré que c’était un des points référant pour mesurer le niveau de la mer en France. Le marégraphe a mesuré de 1980 à 2012 une augmentation de ~11cm avec un rythme de 3,3 mm par an qui tend à augmenter chaque année. Ca aussi je l’ignorais. On peut ne pas être impressioné, même être rassuré par ce chiffre, mais encore une fois c’est du jamais vu sur une période si courte et ça peut avoir des conséquences qui bouleversent nos vies.

A Marseille, encore une fois, dans la calanque de la Triperie où je suis passé plusieurs fois sans le savoir, il y a la grotte Cosquer, une grotte submergée comportant des témoignages importants de notre espèce datant de -27 000 à 19 000 ans, durant la dernière ère glaciaire où la température moyenne était de - 5° comparé à 1850. Ces petits degrés de différences ont fait que l’entrée de la grotte se situait à l’air libre car le niveau de la mer était de -120 mètres comparé à 1850. Un scénario à +5 degrés devrait nous donner des frissons.

Jean Jouzel, paléoclimatologue, ancien vice président du GIEC du temps de son prix nobel de la paix en 2007 nous dit qu’un million de personnes peuvent être touchées en France d’ici 2050 par des submersions de plusieurs jours liées (16min45 dans cet épisode du GreenLetterClub) à seulement une trentaine de cm de plus.

B.5.3 It is virtually certain that global mean sea level will continue to rise over the 21st century. Relative to 1995-2014, the likely global mean sea level rise by 2100 is 0.28-0.55 m under the very low GHG emissions scenario (SSP1-1.9), 0.32-0.62 m under the low GHG emissions scenario (SSP1-2.6), 0.44-0.76 m under the intermediate GHG emissions scenario (SSP2-4.5), and 0.63-1.01 m under the very high GHG emissions scenario (SSP5-8.5), and by 2150 is 0.37-0.86 m under the very low scenario (SSP1-1.9), 0.46- 0.99 m under the low scenario (SSP1-2.6), 0.66-1.33 m under the intermediate scenario (SSP2-4.5), and 0.98-1.88 m under the very high scenario (SSP5-8.5)

• extrait du résumé pour décideurs (Summary for Policymakers (SPM))

On peut apprendre dans cet extrait qu’on estime à 0.44m à 0.76m l’élévation du niveau de la mer par rapport à 1950 pour 2100 dans le cas scénario probable ONU SSP2-4.5. Ce chiffre monte à 1 mètre pour le scénario SSP5-8.5. En 2150, date qu’on voit plus rarement, ce scénario nous amènerait entre 1 mètre et 2 mètres d’élévation.

Pour creuser le sujet, voici un article du media BonPote..

Sécheresse

Une baisse des précipitations annuelles déjà observée dans le sud de la France

• Valérie Masson Delmotte

À la fin du siècle, on pourrait connaitre des sècheresses comparables à celle de 2003 trois à quatre fois par décennie et ces sèche- resses pourraient atteindre des zones jusque-là épar- gnées, telles que les zones montagneuses.

• Cahier Régional Occitanie sur les Changements Climatiques

Cet été certaines villes n’ont pas eu d’eau potable, besoin d’en dire plus ? En général ces zones où il ne pleut presque plus, subiront des crues lors de périodes très courtes qui ne permettent pas de remplir les réserves d’eau.

L’eau est aussi critique dans la production de nourriture :

En France, la majorité des cultures sont « pluviales » : cela signifie qu’elles ne sont pas irriguées et dépendent des précipitations naturelles. Une sécheresse peut donc mettre en péril leur bon développement. C’est ce qui s’est produit lors des épisodes marqués de 1976 et 2003, au cours desquels les rendements des principales cultures ont en moyenne chuté de 20 à 30 % sur le territoire 14 . À l’échelle d’une région agricole, certaines récoltes peuvent être totalement perdues. Les épisodes intenses de sécheresse en Europe pourraient être dix fois plus fréquents et 70 % plus longs d’ici 2060 15 . Les vagues de chaleur peuvent elles aussi avoir des conséquences graves sur les cultures et les élevages selon leur intensité et la période où elles surviennent.

• page 14 de “Vers La Resilience Alimentaire” de l’asso Greniers d’Abondance publié par l’ADEME

Ces épisodes de sécheresses vont devenir plus fréquents et plus forts selon les différents types de scénarios.

Energie

L’hydroelectricité étant la première source d’énergie renouvelable en France, il est normal de questionner nos besoins en energie dans un scénario de demande grandissant :

L’hydroélectricité produite dans les Pyrénées ne pourra pas contribuer au réseau électrique français comme par le passé. Ces évolutions interrogent donc la contribution de l’hydroélectricité à la production d’électricité dans les prochaines décennies et la vraisemblance de certains scénarios de mix énergétique.

• Cahier Régional Occitanie sur les Changements Climatiques 2021

Chaleur

Canicule

Août 2003, j’ai 12 ans, 15% des villes Françaises ont connu des témpératures supérieures à 40°, cela causera 15 000 morts.

Vendredi 28 juin 2019 17h, je pars de la conférence Sunny Tech à Montpellier, alerte canicule déclenchée par le préfet, j’ai 28 ans, peur de rien “car seuls les vieux souffrent de la chaleur”, ce jour là Montpellier, et la France entière bat une nouvelle fois leur record de témpérature : 43,5 °C à l’ombre. Je me déplace à pied au soleil, en quelques minutes ma bouche s’assèche et je perds des litres d’eau en transpiration, les tramways n’arrivent plus à fonctionner et les véhicules sont transformés en sauna : c’était brutal. Le constat est dur, et une question me vient à l’esprit est ce que je pourrais faire du sport ou me déplacer en ville toute ma vie ?

Weekend du 12 juin 2021, à vélo sur le canal du midi, mon corps d’habitude résistant à l’endurance, m’exige une pause de 30 minutes, je n’avançais plus, la faute au 38 degrés à l’ombre.

Mercredi 11 août 2021, toujours à vélo, dans les Cévennes gardoise cette fois ci, un dôme de châleur fait monter la température à 40 degrés à l’ombre, j’arrive à destination complètement sèché et sans force. Nos corps d’Homo sapiens ont clairement des limites et je n’y peux rien malgré ma bonne condition physique.

Une étude publiée en juillet 2021 par WWF France confirme ces résultats et estime qu’à l’échelle nationale, les français pourraient perdre 24 jours de pratique par an dans un scénario à +2 °C et jusqu’à « 2 mois d’activité sportive par an dans un monde à +4 °C ».

• Rapport complet Cahier Régional Occitanie sur les Changements Climatiques page 94

Ces quelques dates prises qui m’ont marqué ne sont pas liées au hasard, on apprend dans le graphique plus bas que la fréquence des épisodes caniculaires extrêmes est 6 fois plus élevée avec un réchauffement à 2 degrés, et 9 fois avec un à 4 degrés.

Incendies

Les feux de forêt sont liés à la secheresse, à la température, et au vent. Encore une fois, nos sens nous disent qu’on voit des feux dans les médias (Australie, Californie, Martigues, Var), ou autour de nous, lorsqu’on remarque des grandes colonnes de fumées blanches, mais il est difficile d’avoir une vision d’ensemble. Entre l’indice forêt météo (IFM), d’après Météo France “De nombreuses études ont montré une corrélation claire entre l’IFM moyen et le nombre de départs de feu.”. La modélisation pour 2040 (c’est demain) fait chaud dans le dos.

un ordre de grandeur à retenir en attendant est qu’une augmentation de la température moyenne sur le territoire de 1 °C accroît d’environ 20 % l’aléa départ de feux

• Rapport de la mission interministérielle Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêts

les feux de forêt ne se cantonnent plus à la zone méditerranéenne et s’étendent vers le nord.

• Source https://www.onf.fr/onf/+/7f8::feux-de-foret-2020-le-risque-setend-partout-en-france.html

Il est également probable que la saison des feux de forêt s’allonge dans l’année, passant de 3 mois actuellement à 6 mois dans un avenir proche.

• Source https://www.ecologie.gouv.fr/feux-foret-et-vegetation

Egalement dans le monde, un nouveau record a été battu le dimanche 8 août 2021, 187 114 incendies ont été relevés dans le monde par les satellites.

Une mauvaise nouvelle, les modèles climatiques du GIEC ne prennent pas encore totalement en compte les feux de forêt qui causent une augmentation des gaz à effet de serre.

B.4.3 Additional ecosystem responses to warming not yet fully included in climate models, such as CO 2 and CH 4 fluxes from wetlands, permafrost thaw and wildfires, would further increase concentrations of these gases in the atmosphere (high confidence).

• extrait du résumé pour décideurs (Summary for Policymakers (SPM))

Cryosphère - là où l’eau se trouve à l’état solide

L’Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique (OPCC) est une mine d’or d’informations. On peut y apprendre que les glaciers sont des “super-indicateurs climatiques”. Pour le glacier d’Ossoue (Vignemale) ’entre 2002 et 2019, le glacier d’Ossoue a perdu 30m d’épaisseur, sa superficie est passée de 58 à 32 hectares et son front a régressé de 125 mètres de longueur !". l’OPCC nous dit que “à une altitude de 1 800 m, l’épaisseur moyenne de la neige pourrait diminuer de moitié d’ici 2050 selon la référence actuelle, tandis que la période de permanence de la neige au sol réduirait de plus d’un mois.”.

Les stations de ski de moyenne altitude comme le Mont Aigoual, qui abrite le Centre d’interprétation du changement climatique, ont du mal à ouvrir l’hiver et doivent se réinventer en station de sports d’extérieurs toute saison.

Le vivant

Je n’ai pas vu de lien avec le vivant dans le résumé pour décideurs du GIEC, il faut pour cela compter sur le rapport en collaboration avec l’IPBES (Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services). Dans leur rapport joint, on peut y apprendre que le changement climatique et la disparition de la biomasse et de la biodiversité sont étroitement connectés. Et qu’également, les activités humaines sont responsables pour la perte de 83% de la biomasse des mammifères, et de la moitié des plantes. Au final, 96% de la biomasse des mammifères sont des humains et leur bétail.

On peut aussi y apprendre que le changement de climat et la perte de biodiversité posent des menaces significatives sur les moyens de subsistance des humains, la sécurité alimentaire, et la santé.

Flore

Des récoltes qui se font de plus en plus tôt de mémoire d’homme. J’ai été marqué de la date d’octobre 1990 écrite à la craie dans une cave viticole de ma famille, désormais les routes deviennent collante à partir de fin août. Egalement, les températures plus chaudes donnent aussi des vins avec un degré alcoolique plus elevé de l’ordre “d’un degré tous les dix ans dans les vignobles du sud du pays”.

En moyenne, les vendanges ont lieu 18 jours plus tôt qu’il y a 40 ans

• Source: https://www.ecologie.gouv.fr/impacts-du-changement-climatique-agriculture-et-foret

Certaines essences d’arbres ne pourront pas s’adapter au climat actuel, l’ONF nous indique que “plus de 50% de la forêt française pourrait voir son faciès modifié d’ici 50 ans.”. Lorsqu’il fait trop chaud, trop sec, les arbres sont plus vulnérables aux maladies et aux insectes. En 2020 le tiers du bois produit en France avait été abattus pour cette raison.

Le climat va plus vite que le déplacement des espèces

• Eric Sevrin, centre national de la propriété forestière

Faune

C’est toujours un bonheur d’entendre la première cigale en juin. Les mâles chantent dès qu’il fait 25 degrés, et ça dure parfois jusqu’à tard dans la nuit avec la chaleur des villes. Par contre, leurs déplacements vers des territoires où elles n’y étaient pas connues peut surprendre. Ca peut être un exemple sonore qui prête à sourire, mais ça nous laisse entrevoir les conséquences pour les autres espèces d’insectes dont on ignore encore beaucoup de choses.

De l’autre côté, les moustiques, en outre de nous empêcher de dormir et de profiter de la plage à la tombée de la nuit, est l’espèce la plus dangereuse pour l’homme. Il est aidé dans son developpement par la hausse des témpératures. Le changement de climat n’est pas le seul responsable, mais l’espèce du moustique tigre est passée d’un seul département de présence, Alpes Maritimes (06), à presque la moitié de la France en 15 ans..

Cependant le réchauffement prévu, à un degré modeste, dans les décennies à venir, favorisera très probablement la croissance et l’expansion des espèces dans les régions de haute latitude.

• Elise Mourot - Thèse “Biodiversité et moustiques face au changement climatique et à la mondialisation”

Si les insectes sont impactés, c’est toute la chaîne qui l’est à son tour :

La migration des oiseaux est par exemple impactée : certaines espèces arrivent plus tôt et se retrouvent en décalage avec les ressources alimentaires prélevées auparavant.

• Source Nature France

L’océan s’acidifie par l’absorption du 1/4 du C02 émis, c’est génial pour limiter la concentration des gaz à effet de serre, on appelle ça un puits de carbone. Mais cela impacte les coquilles calcaires des phytoplanctons et toute la chaîne alimentaire marine est impactée à son tour. Une boucle de retroaction apparait et fait baisser l’efficacité même de l’océan comme puits de carbone, une des raisons vient des coquilles calcaires qui « stockent » du CO2 et sédimentent si l’acidité n’est pas trop élevée (en complément voir figure SPM7 plus bas).

La mer méditerranée est un des endroits au monde les plus touché en terme de température et d’acidification

Des chercheurs ont mis en évidence les changements très rapides qu’a connu l’eau de mer en Méditerranée nord-occidentale entre 2007 et 2015. “L’augmentation de la température y a été plus rapide que partout ailleurs dans l’océan global et celle de son acidité l’une des plus élevées jamais mesurées dans l’océan. En conséquence, plusieurs organismes sont affectés, ce qui pourrait altérer la chaîne alimentaire méditerranéenne“.

• à lire ici : https://bonpote.com/acidification-des-oceans-et-changement-climatique/

Le bouton Stop ? Limiter le futur changement de climat

Si on arrêtait les emissions demain matin de façon durable et forte, c’est à dire pas en rattrapant tout comme avec la reprise post COVID, il faudrait attendre des décénnies à des millénaires pour renverser graduellement le climat. C’est à dire que le climat qu’on a connu est perdu.

D.1.6 If global net negative CO 2 emissions were to be achieved and be sustained, the global CO 2 -induced surface temperature increase would be gradually reversed but other climate changes would continue in their current direction for decades to millennia (high confidence). For instance, it would take several centuries to millennia for global mean sea level to reverse course even under large net negative CO 2 emissions (high confidence)

Cependant, le gain en qualité de l’air sauverait des vies, on estime en France à au moins 48 000 morts par an. En comparaison l’alcool fait 30 000 morts par an.

D.2.1 Emissions reductions in 2020 associated with measures to reduce the spread of COVID-19 led to temporary but detectible effects on air pollution (high confidence)

Un enorme autre problème est qu’il faut 20 ans pour que des politiques ambitieuses en termes de réduction de gaz à effet de serre fassent effet. 20 ans c’est une plage de temps trop longue pour n’importe quel président ou assemblée pour imposer quelque chose sans vouloir essayer autre chose, comme un scénario à haute emission de gaz à effet de serre : Regardez ! Rien ne change !.

De plus, quand n’importe quel PDG doit augmenter son chiffre d’affaire de 4% chaque trismestre sous peine d’être licencié, il est difficile d’imposer aux actionnaires un plan sous 20 ans. Mais nous avons connu le temps long lors de la planification des barrages hydrauliques, des centrales nucléaires ou du chemin de fer. C’est, encore une fois, possible physiquement.

D.2.3 (…) For global surface temperature, differences in 20-year trends would likely emerge during the near term under a very low GHG emission scenario (SSP1-1.9), relative to a high or very high GHG emission scenario (SSP3-7.0 or SSP5-8.5).

Note : dans un scénario où les émissions de gaz à effet de serre sont nulles, il n’y aurait pas cette inertie de 20 ans.

Si les scénarios à faible emissions sont maintenus durablement cela limiterait fortement tous les événements extrêmes à la fin du siècle. En première approximation, cela peut clairement faire penser à un duel de génération, où je veux continuer à vivre sans changer, et tant pis pour ceux qui suivent. Mais on vit déjà ces événements climatiques, et certaines personnes âgées restent en général plus vulnérables aux aléas climatiques comme les canicules. Ca serait clairement un calcul perdant.

D.2.4 By the end of the century, scenarios with very low and low GHG emissions would strongly limit the change of several CIDs (Climatic impact-drivers), such as the increase in the frequency of extreme sea level events, heavy precipitation and pluvial flooding, and exceedance of dangerous heat thresholds, while limiting the number of regions where such exceedances occur, relative to higher GHG emissions scenarios (high confidence).

Si on veut limiter la casse, car chaque 1/10 de degré compte, il faut donc se mettre au régime carbone dès maintenant, mais aussi stocker durablement le carbone dans des puits de carbone naturels : atmosphère 1/2, océan 1/4, photosynthèse 1/4. Par contre, ces puits de carbone autre que l’atmosphère sont de moins en moins efficace plus il y a d’émission de CO2 :

Réduire le carbone passe aussi par les technologies de Capture et Séquestration de Carbone (CDR en anglais). Cependant cette technologie n’est pas miraculeuse, gourmande en énergie, chère, mais peut contribuer significativement à la réduction de carbone. En apprendre plus avec cette vidéo de la châine du “Réveilleur”.

D.1.4 Anthropogenic CO 2 removal (CDR) has the potential to remove CO 2 from the atmosphere and durably store it in reservoirs (high confidence).

Comme on parle des puits de carbone, comme les arbres, il faut bien avoir en tête que, comme le dit Jean Jouzel, sans sobriété, ça ne marche pas. Les arbres deviennent même une excuse pour émettre toujours plus. On se sent tellement mieux quand Air France nous annonce que notre vol est “neutre en CO2”.

L’IPBES nous avertit également que les mesures liées à la technologie peuvent poser de sérieuses menaces à la biodiversité et la biomasse. (Source: point 20 du rapport GIEC/IPBES)

Pour clarifier la contribution à la neutralité carbone, je vous conseille cette vidéo de Philoxime.

Tou·te·s cuit·e·s ?

Telles les populations sapiens primitives il semblerait que nous voulions sacrifier nos enfants aujourd’hui (ou hier) sur un autel de la consommation à excès pour satisfaire le noble dieu du Capital qui est pourtant fournisseur de tant de frustrations. Bernard Maris le raconte si bien ici :

Cette génération, la notre encore une fois, fait mine d’adorer et d’idolâtrer ses enfants, au point de les gaver comme des oies et d’en faire des obèses. Comment ne pas voir l’incohérence de ces parents conduisant leur enfants adorés en 4x4 à l’école, souillant l’air qu’ils respirent, rejetant dans les rivières des millions de tonnes de pesticides, et empoissonnant leur nourriture aux hormones ou à la farine animale qui passent directement de l’estomac de la vache à celui des tendres chérubins? Comment peut on se moquer à un tel point de l’avenir de ses enfants ? Je fais l’hypothèse suivante : cette génération n’aime pas ses enfants.

Mais n’oublions pas que le GIEC nous propose 5 projections de gaz à effet de serre, le scénario le moins destructeur est réalisable selon les lois non négociables de la physique, il est donc totalement aussi réalisable du côté des choix politiques, rappelez-vous que lorsqu’on les déguise en science cela nous donne l’économie.

Gardons en tête que chaque 1/10 de degré compte. Surtout que d’après l’ADEME, l’environnement est la 2ème cause la plus importante après l’emploi, et devant l’immigration (qui l’eût cru?) pour les Français. Et sur les méthodes d’actions 59% des Français savent qu’il “faut modifier de manière importante nos modes de vie pour limiter l’augmentation du changement climatique” contre 11% se disant la technologie va nous sauver, et 12% sur “il n’y a rien à faire”.

Egalement, quand on demande aux Français, 57% disent qu’il “faut réorienter en profondeur notre économie en soutenant exclusivement les activités qui préservent l’environnement et la santé.” plutôt qu’à 43% “relancer l’économie par tous les moyens”.

La majorité est donc du côté de la science, et c’est une note d’espoir qui devrait nous motiver à aller encore plus loin, et ne plus se taire lorsqu’on discute avec un climato sceptique ou rassuriste.

Comptabilité carbone - l’accord de Paris

Toutes ces informations nous font ressentir beaucoup de choses, et ça fait beaucoup à digérer. L’action numéro 1 à prendre en priorité est de faire un calcul d’empreinte carbone avec https://nosgestesclimat.fr/ et de creuser à partir de là l’accord de Paris, qui sont la promesse de tout un chacun. Qui ne s’est pas moqué de Trump lorsqu’il est sorti de l’accord de Paris ?

De 1850 à 2019, l’humanité a émis 2390 Giga tonne de CO2 (GtCO2) et en émet 40 GtCO2 par an en 2020 avec un rythme croissant. Voici ce qu’on peut encore émettre en carbone si on veut avoir 83% de chance de respecter l’accord de Paris (Source Table SPM.2) :

• Pour limiter à 1.5° : 300 GtCO2, c’est à dire 7.5 ans au rythme de l’année 2020
• Pour limiter à 1.75° : 550 GtCO2, soit 13,75 ans au rythme de l’année 2020
• Pour limiter à 2.0° (hors accord de Paris) : 900 GtCO2, soit 22.5 ans au rythme de l’année 2020

Cependant, ces accords ont l’objectif d’être à 2 tonnes de tout gaz à effet de serre confondu (= un aller retour Paris New York) en 2050 pour limiter le réchauffement climatique nettement en dessous de 2° en 2100. C’est une économie de guerre. C’est baisser de 4% les gaz à effet de serre chaque année pendant 30 ans, “soit 320 kg de CO₂ à émettre en moins chaque année par rapport à la précédent” nous dit l’équipe Datagir de l’ADEME. -4% correspond aussi au paroxyme de la crise de 1929 (1933), ou l’anéantissement industrielle de l’Allemagne et du Japon en 1945 (Source Jancovici cours 3 des Mines ParisTech).

Il n’y a pas que le carbone

Si on débat sur les chiffres on débat pas sur le fond du problème. Le plus grave c’est de parler de chiffres mais pas de la réalité.

• Bernard Maris

Comme le dit si bien Aurélien Barrau, avec un bulldozer à energie solaire, on n’émet pas de carbone mais on rase quand même la forêt, c’est ça qu’il nomme le “plus grand défi de l’humanité” avec la disparition de la biomasse (la quantité totale d’organismes vivants) de 67% en 10 ans.

Ces arguments m’ont fait évoluer, moi qui ai été élevé à la viande à excès, je suis devenu végétarien, et je diminue mon alimentation venant des animaux (la déforestation est principalement liée à l’agriculture et l’élevage “mobilise 85% des surfaces agricoles” - Vers la résilience alimentaire - Grenier d’abondance). Je ne vais presque plus en supermarché et les rayons me donnent le tournis par leur opulence de sauce tomates. J’achète de saison (note: il vaut mieux également végétaliser son alimentation plutôt que de continuer à manger local) et biologique (7,5 % de la surface agricole française, source Grenier d’abondance, qui utilise des pesticides mais beaucoup moins) en direct producteur, je cuisine beaucoup plus, je n’achète pas ou d’occasion (à part pour mon dernier vélo :x), et je priviliègie le train et/ou les mobilités actives.

Tout ceci peut paraitre comme une perte de temps ou alors se priver de choses, mais au contraire je réponds que ça s’appelle vivre la vie à pleine dent. Et au dessus de tout, ça me permet de me sentir bien dans ma tête et mon corps, tout en montrant l’exemple autour de moi vers une vie bas carbone qui respecte le vivant un minimum.

A tous ceux qui pensent que c’est impossible de changer, il était aussi impossible d’arrêter le travail des enfants, d’avoir des congés payés, ou une assurance maladie et vieillesse. Arrêter l’avion et l’hypermobilité, végétaliser son alimentation, acheter moins de choses, reparer, se déplacer à vélo (à assistance electrique ou non) ne sont que des sacrifices absolument minimes comparées à tout ce qu’on a vu plus haut.

Marcheur, il n’y a pas de chemin, le chemin se construit en marchant

• Antonio Machado

Maintenant que vous savez, voici les 12 excuses (et réponses) à l’inaction climatique qu’on entendra forcément dès qu’on parle climat dans un groupe :

Mots de la fin

Si vous êtes humain, vous devriez ressentir de la colère, de la tristesse, surtout quand des entreprises reines des énergies fossiles comme Total sont au courant depuis 1971. Je ressens beaucoup d’émotions, de pas avoir été éduqué, préparé, entouré dans ma vie pro ou perso pour affronter ce défi. Cette phrase me guide dans mes moments délicats, j’espère qu’elle vous aidera aussi :

Avec une colère à moitié réprimée, j’ai tendance à me balancer et faire quelque chose d’impétueux et d’ignorant. Mais une colère bien sentie, ancrée, et familière peut me motiver à travers un engagement à vie pour améliorer les choses

• Donella Meadows, autrice “Limit to Growth”

Merci à la communauté scientifique de mettre à disposition des connaissances aussi pointues

Merci à Mathieu Pelissié, doctorant à l’institut des sciences de l’évolution à Montpellier, pour sa relecture et ses conseils sur l’IPBES

Merci à Roxane Franc pour sa relecture attentive et ses encouragements

Articles dans cette série

• Résumé Spécial Sud De La France Du Rapport Du GIEC